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La fracture coloniale, guerre de tranchée ou étape vers la recomposition d'une société solidaire?

A propos de l'effervescence actuelle autour des travaux sur le fait colonial
Par Elio CohenBoulakia

Le débat sur la pérennité de attitudes discriminatoires à l'égard des descendants des colonisés, notamment maghrébins et africains noirs, n'est plus ce qu'il était il y une vingtaine d'années à l'époque de la Marche des Beurs. Désormais, il ne s'agit plus tant de l'expression d'une volonté d'intégration contrariée que de la dénonciation d'une permanence de la mentalité et de l'esprit colonial dans la société française.
Pour les "indigènes de la République" , les difficultés d'intégration rencontrées s'expliqueraient par le maintien en France d'un État colonial et d'une société coloniale. En dépit des indépendances formelles des États ex colonisés, l'exploitation économique de ces États se poursuit, assurent-ils. La volonté d'hégémonie culturelle, aussi, par la revendication – bien française – d'être le "dépositaire des valeurs universelles" (Droits de l'Homme). La domination raciale, aussi, par la réaffirmation de la supériorité de l'Occidental et l'infériorisation systématique des peuples issus de la colonisation.
Cette attitude conduit à un complexe de victimisation exacerbé par le rappel lancinant de l'étendue des crimes commis dans la période coloniale: de la traite des esclaves noirs, aux enfumades, razzias, déportations, liquidation, le concept d'extermination étant même avancé dans un travail universitaire récent.
En réaction à cette prétention d'hégémonie culturelle, le mouvement des indigènes répond par une exigence de reconnaissance des droits culturels et du droit à la différence. A cela, on ne pourrait certes qu'applaudir si le mouvement n'allait jusqu'au relativisme culturel, ce qui l'amène à défendre en bloc, sans souci des libertés fondamentales, les pratiques de telle ou telle communauté revendiquant un esprit de fermeture et de coercition à l'égard des membres qui la composent . C'est ainsi que le mouvement des indigènes accepte dans ses rangs, des mouvements communautaristes qui prêchent l'intolérance et le rejet en bloc des valeurs de l'Occident.
L'ouvrage collectif "La fracture coloniale" prend ses distances à l'égard du mouvement des indigènes mais souhaite néanmoins porter l'éclairage sur les méfaits de l'occultation du passé colonial depuis 40 ans sur la société française actuelle. La thèse soutenue est que notre société est parcourue par une fracture, et que dans l'impensé collectif, il demeure une trace des représentations coloniales, et la loi du 23 février 2005 en serait une manifestation patente.
Globalement cette effervescence de travaux actuels sur l'analyse du fait colonial essaie d'accréditer la thèse d'une continuité (de mentalité, de comportement) entre la société actuelle et le passé colonial.
O. Lecour Grandmaison va plus loin encore puisque dans son ouvrage, déjà cité, il essaie de faire valoir que le fait et les pratiques coloniales auraient été le laboratoire de tout un courant d'idéologie activant en métropole l'extrême droite et les mouvements ultraconservateurs, qui seraient à l'origine de bien des évènements, depuis l'écrasement des Républicains de 1848 jusqu'à Vichy et ses lois d'exception.
Conclusion
Beaucoup de ces travaux universitaires récents apportent des éléments d'analyse parfois inédits sur ce passé colonial de la France. Mais ils ont aussi en commun d'être souvent, trop souvent, des dossiers à charge de procureurs dressant un réquisitoire contre un accusé présumé.
Une démarche différente et sans doute porteuse d'avenir serait de jeter un regard sur notre société pour y détecter tous les signes annonciateurs d'une société plurielle se vivant comme telle, dont l'identité collective plus métissée se transforme sous nos yeux. Et dans le même temps d'agir pour lever les blocages qui retardent cette évolution plutôt que dresser des barricades.

"France, oublis et fabrication de la mémoire coloniale" : Benjamin Stora

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" Fabrication de mémoires communautaires

L’histoire coloniale s’est transmise dans la société française, par référence (non formulée ouvertement ) au «modèle algérien». L’Algérie a longtemps été présenté comme le «joyau» de la colonisation française, mise en valeur considérable des terres (après dépossession foncière des musulmans…), énorme colonie de peuplement, rattachement juridiquement à la France pendant plus d’un siècle. Après 1962, la mémoire algérienne va d’abord se transmettre essentiellement par les tenants d’un «pays perdu». Une majorité de «pieds-noirs», en quittant massivement l’Algérie en 1962 (près d’un million entre 1962 et 1964), ont porté le souvenir d’une sorte «d’Eldorado» ou d’Atlantide engloutie. Ce groupe principal a soutenu une version du récit colonial, embelli, reconstruit, qui insistait sur les aspects de convivialité, effaçait les inégalités et le racisme. L’exposé opère par embellissement d’une histoire chaleureuse, ensoleillé, d’un Eden perdu, brisé par la guerre d’Algérie. Dans le société française, l’histoire coloniale a été véhiculée par ce groupe important (environ deux à trois millions de personnes en comptant les enfants) qui dit à sa manière cette mémoire d’un sud si près, si présent

Face à cet ensemble, se présente une autre mémoire. Elle affleure dans la société française, en particulier dans les années 1980, véhiculée par les enfants issus de l’immigration maghrébine, et principalement algérienne, ancienne, puisque arrivée à Paris dans le années 1920-1930. Immigration qui s’est ensuite amplifiée après 1945, puis en 1963-1964, pour atteindre environ un million de personnes au moment de la fermeture officielle des frontières en
France en 1974.
Les enfants de l’immigration algérienne ont, à leur tour, transporté un regard, diffusé une autre mémoire de l’histoire coloniale, à partir de ce que les médias français ont appelé les mouvements «beurs». Avec, en particulier, les grandes marches de 1983, puis celle de 1984. Après un temps de temps de latence relativement long, un réveil de la mémoire s’opère. Cette «remontée» voulait à la fois demander réparation, justice, et visait à demander l’égalité: le fait de pouvoir être à la fois citoyen français à part entière, et en même temps rester respectueux des traditions des pères, qui, eux, avaient combattu pour l’indépendance de l’Algérie. La réclamation de la citoyenneté, l’égalité pleine ne voulait pas rompre la filiation, la généalogie, dans le respect du combat livré par les pères, voire les grands-pères, ceux qui massivement avaient été partisans de l’indépendance algérienne. Une mémoire non univoque se dessine.
Ces deux types de mémoires, à propos du Sud, de la colonisation, sont portés par deux groupes puissants numériquement, pratiquement à parts égales dans la société française. Elles regroupent plusieurs millions de personnes, avec la mémoire des Européens d’Algérie et celle des immigrés ou enfants issus de l’immigration algérienne en France. Quatre à cinq millions de personnes sont directement impliquées dans un conflit de mémoire: ils n’ont pas du tout la même perception du passé colonial. ..................."

Extrait de l'article consultable dans son intégralité sur le site Babelmed

Pour Gilbert Meynier, "les Harkis n'ont été que des mercenaires":Entretien de l’historien Gilbert Meynier [1] avec Nadjia Bouzeghrane, publié dans El Watan, le 10 mars 2005,
sous le titre "les harkîs n’ont été ni plus ni moins que des mercenaires".

N. B. Comment se pose d’un point de vue de l’histoire la question des harkîs pour la France ? A quel(s) niveau(x) se situe la responsabilité de l’Etat français ?

G. M. Pour l’historien que j’essaie d’être, les harkîs n’ont été ni plus ni moins que des mercenaires, recrutés comme tels par l’armée française, à partir des directives originelles du général Parlange dans l’Aurès. Ce recrutement a joué sur le terreau des divisions algéro-algériennes, divisions que le colonisateur s’est toujours ingénié à cultiver et exploiter. Au surplus, des pratiques autoritaires violentes de l’ALN, ayant ici et là préféré parfois la violence au dialogue, se sont révélées contre-productives en ce qu’elles ont pu aussi conduire des hommes à devenir harkîs : ce fut par exemple le cas dans La Soummam. Il est donc difficile de les assimiler, ainsi qu’on l’a parfois pu faire en Algérie, à des « collaborateurs »,...
Pour lire la suite: http://www.ldh-toulon.net/article.php3?id_article=539

"Fance-Algérie, les douleurs de la mémoire" par Bruno Etienne
mis en ligne le dimanche 30 janvier 2005 sur le site de la LDHde Toulon
Article publié dans La pensée de midi [1], numéro 3 (hiver 2000) :
Mémoires en miroir - Autour d’une Méditerranée plurielle

Il existe à Séville, dans le palais de Charles Quint, une carte de la Méditerranée sur laquelle Marseille est située au sud et Alger en haut de la carte : on peut en effet regarder, relire le fait franco-algérien du côté algéro-français. C’est ce qu’a amorcé le président Bouteflika le 6 juillet 1999 à Constantine en rappelant que la culture et l’histoire algériennes avaient une part juive et une part sinon française, tout au moins francophone. Les temps sont donc peut-être venus que nous fassions, de chaque côté de la mer qui nous unit, le travail de deuil, le travail de mémoire et notre devoir d’historiens.
Pour lire la suite : http://www.ldh-toulon.net/article.php3?id_article=487

Dossier de France Culture sur " Fracture coloniale fracture sociale"

 

Autour du livre d'Olivier Lecour Grandmaison "Coloniser, exterminer" voir l'analyse de

Gilbert Meynier et Pierre Vidal Naquet parue dans la revue Esprit de décembre 2005

 


 

 

 

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