Autour
de la culture et de l'interculturalité
La question de l’intérêt
de publier des Actes nous a été posée.
Nous assumons cette décision au nom d’une attitude
humaniste telle que nous l’entendons, telle que nous la
voulons mettre en œuvre, telle que l’expose avec
clarté Mohamed Arkoun dans ses « Justifications
» qui ouvrent son essai « Humanisme et Islam, combats
et perspectives », Vrin, Paris, 2005 *, où il s’exprime
sur les rapports entre culture orale et culture écrite.
Cette posture a une étroite
connexion avec le thème central de notre séminaire
2005 (prolongeant celui de 2004) : la question de l’interculturalité.
Pour éviter d’inutiles répétitions,
nous renvoyons le lecteur à ce qui est dit à ce
sujet dans l’introduction faite aux interventions du vendredi
18 mars, qui ont inauguré cette session.
Toutefois, il convient ici de
marquer un jalon pour un débat restant ouvert : à
propos de l’interculturalité rien n’est encore
fixé, les avis restent partagés, il y a matière
à progresser dans l’optique, notamment, d’une
éducation populaire, au sens noble du terme auquel nous
sommes attachés. De ce point de vue, les contributions
écrites et orales de ces Actes montrent que ce séminaire
nous a permis une avancée réflexive ; elle en
justifie la tenue. Nous en voulons pour preuve l’évolution
de la critique dans les interventions de notre invité,
Habib Tengour. Sa critique première de la notion d’interculturalité
semblait prendre le contre-pied de notre position, elle a fortement
orienté la suite des échanges selon un axe majeur
: comment nous situons-nous entre les modèles holistique
et culturaliste ? Mais à l’issue de ces échanges,
nous dénotons une inflexion instructive de la critique
de Habib Tengour, lorsqu’il énonce, citons-le :
« Sur le débat, ce que je trouve important et intéressant
c’est la prise en compte de cette dimension culturelle
pour appréhender de façon différente, dans
une sorte d’harmonie, le traitement de l’identité
en France, et ceci dans un partenariat avec l’autre dans
la construction de la citoyenneté. ». Ces derniers
mots de Habib Tengour montrent magistralement, soit dit en passant,
que la critique vivante ne saurait être sans mouvement.
Cet épilogue à notre
séminaire –épilogue à deux voix,
celle de Elio Cohen-Boulakia d’abord, puis celle de Habib
Tengour- n’est nullement une conclusion fermée
; nous pouvons le considérer comme une illustration –non
préméditée- de la posture associative que
nous essayons de tenir : la recherche-action fondée sur
le dialogue. Du « vrai dialogue », Mgr Claverie,
évêque d’Oran, assassiné en 1996,
disait « qu’il consiste à accepter l’idée
que l’autre est porteur d’une vérité
qui me manque. »
Bernard Zimmermann
* « …l’articulation
écrite du discours humaniste doit respecter à
la fois les visées communes aux locuteurs engagés
dans le débat et les parcours discursifs propres à
chacun d’eux. La mise par écrit de l’ensemble
permet de tenir sous un même regard critique et englobant
les enjeux réels de chaque argumentaire et la portée
ultime des confrontations. Ces enseignements récapitulés
dans l’écrit viennent nourrir et dynamiser l’attitude
humaniste requise dans la communication orale. »
Mohamed Arkoun, op. cité,
Soirée
du 18 mars 2005
Introduction
à l'atelier- rencontre :
Bernard Zimmermann, Président de Soleil en Essonne
Une anecdote pour introduire l'introduction.
Lundi 14 mars 2005 après-midi, Maison de Quartier des
Aunettes à Evry.
La Compagnie de l'Eygurande présente "La force des
choses", montage théâtral de récits
de vie de 3 femmes françaises "du XX ème
siècle", des femmes de la région parisienne,
de milieux plutôt populaires. (Le Théâtre
de l'Eygurande fait le même travail de recueil de récits
de vie à Essaouira, au Maroc).
Un public d'une trentaine de personnes, essentiellement des
femmes d'origines étrangères, de groupes d'alphabétisation
du quartier. Un tiers de Maghrébines dont 4 ou 5 voilées.
Trois comédiennes, remarquables, pour des récits
entrecroisés, dits à la première personne.
Ecoute attentive des femmes de l'assistance, pendant une heure.
A la fin, les comédiennes vont changer de tenues et reviennent.
Une discussion s'engage, entre Jean-Pierre, directeur de la
Compagnie, les comédiennes et le public. Djamila, qui
s'occupe des groupes d'alphabétisation, s'assure que
les mots difficiles ont été compris ; par exemple,
"résistant", "faiseuse d'anges"…
Elle explique "femme soumise" : " celle qui obéit
à son mari, le mari c'est l'autorité, rien sans
son accord…" Une femme voilée saute sur sa
chaise et s'exclame : "Ah ! Plus maintenant !". On
rit.
Un peu plus tard, une autre femme, portant elle aussi un foulard,
dit à une des comédiennes : "On se reconnaît
en vous." Elle veut dire : "dans la femme que vous
avez incarnée". Les autres approuvent en hochant
la tête.
Le présent séminaire, ou atelier-rencontre, fait
suite à celui tenu au printemps 2004.
Nos grands objectifs restent les mêmes ; nous disions
vouloir "obtenir une description et des éléments
de compréhension des problèmes en "milieux
urbains sensibles". On désigne par cette expression
discutable des quartiers ou des banlieues dont Marc Cheb Sun
dit qu'ils sont "un reflet de la société
française dans toutes ses composantes". De fait,
ces quartiers sont des lieux d'une interface névralgique
entre la société d'accueil et les groupes issus
de l'immigration ainsi que les nouveaux migrants. Société
d'accueil ou, trop souvent, "société d'écueil"
(Hamid Salmi) ? Nous considérons qu'il y a urgence à
articuler des réponses à apporter aux problèmes
auxquels nous sommes confrontés.
Nous avons choisi, cette année, de centrer notre atelier
sur la rencontre interculturelle, ses caractéristiques,
ses difficultés et pièges, les conditions de leur
évitement et dépassement.
Ce choix résulte de notre conviction que la relation
interculturelle est au cœur des problèmes de notre
société (et de la communauté internationale).
Le choix résulte aussi d'une attente rencontrée
dans notre travail de terrain, exprimée par des "acteurs
de terrain" comme nous, et des organismes institutionnels.
Et aussi de simples habitants avec lesquels nous avons pu créer
des rapports d’échanges confiants.
Le but est toujours de dégager des connaissances, des
réflexions et des outils pour l'action.
En effet, nous sommes tous ici des personnes travaillant en
banlieue, dans les secteurs culturel, social, éducatif…,
institutionnels, ou associatif, laïques ou confessionnels.
Un point commun : nous sommes au contact de populations d'origines
diverses, souvent étrangères, ayant acquis ou
non la nationalité française, mais confrontées
à des difficultés spécifiques du fait de
leurs origines. En regard de leurs problèmes, il y a
ceux des "acteurs de terrain", c’est à
dire nous. Nous avons une position particulière : nous
sommes appelés à peser sur le réel, c’est
à dire les rapports entre personnes et groupes d'origines
et cultures diverses, nous sommes en même temps complètement
partie prenante dans cette relation (c’est àdire
que nous ne sommes pas extérieurs à cette relation),
et nous sommes insuffisamment armés pour affronter des
situations quotidiennes dont nous sentons cependant que de leur
traitement dépend largement notre futur commun.
Notre problématique comprend des questions théoriques
et des questions pratiques, comme :
- qu'est-ce qui relève du social, qu'est-ce qui relève
du culturel ?
- que met-on dans la notion d'interculturalité, ou de
"rencontre interculturelle" ?
- dans quelle mesure peut-on parler de "rencontre interculurelle"
entre interlocuteurs à l'intérieur de la société
française, aujourd'hui ?
- comment dépasser la tendance à la ghettoïsation
culturelle ?
Et, plus concrètement :
- comment établir avec l'autre un rapport d'égalité,
de confiance, d'enrichissement mutuel ?
- comment faire valoir nos valeurs convergentes pour dépasser
les dangers des replis communautaristes ?
- comment lutter contre les discriminations ethniques, culturelles,
cultuelles ?
…
Nous avons adopté comme démarche celle de l'atelier,
c’est à dire une rencontre et des échanges
visant :
- à mettre en commun des expériences, parce que
nous considérons que notre pratique est source de savoir
; ce sera notre matière première;
- à soumettre cette matière première à
un examen critique, à la lumière d'un rapprochement
avec des apports théoriques ;
- à dégager, à travers ces échanges,
des outils pratiques et intellectuels à mettre en œuvre
au quotidien dans nos actions respectives de terrain.
Pour cela, nous nous sommes adjoint la participation de notre
ami Habib Tengour, ethno-sociologue, mais aussi écrivain
et poète. Nous comptons que chacun saura se discipliner
dans ses interventions (temps, de parole, ajustement du contenu,
précision des apports et des questions…), et nous
confions aux animateurs le soin de faire des points périodiques
pour jalonner les avancées et relancer les échanges.
La parole est maintenant à la première de nos
six intervenants de la soirée.
Génération
Femmes :Anne-Marie Vaillé.
Je parle au nom de l’association Génération
Femmes, créée il y a 11 ans, juridiquement, et,
formellement, il y a une quinzaine d'années; elle est
née de la volonté de personnels d'un établissment
scolaire d'arriver à établir des ponts, des relations,
des échanges entre les familles des jeunes d'origines
étrangères qui étaient arrivés,
très nombreux, brutalement, dans l'établissement,
du fait de la construction dans notre quartier de recrutement,
d'un grand nombre de logements sociaux. (C’est un moment
intéressant de l’histoire de l'urbanisation de
notre banlieue ; il s'agit de Ris-Orangis, Evry Courcouronnes.)
Ces logements étaient, dès la pensée originelle,
presque monocolores et monoethniques ; on y fabriquait des immeubles
financés par ce qu'on appelait "le 1% patronal",
versé par la Ville de Paris, qui concernaient les éboueurs
de la Ville de Paris. Ils étaient tous recrutés
dans les mêmes pays d'origine ; on leur offrait des logements
sociaux où ils se retrouvaient, dans un premier temps,
plutôt heureux entre eux, avec leur regroupement familial.
Mais on a fabriqué ainsi des immeubles de Maliens, des
immeubles, d'Ivoiriens, de Togolais… On y retrouvait presque
100% de familles d'origine immigrée. Notre établissement
scolaire, le collège Jean Lurçat, à Ris-Orangis,
se retrouvait dans son secteur de recrutement avec plus d'un
tiers, puis presque 40%, puis 50% d'élèves de
ces quartiers là, alors qu'auparavant il avait un recrutement
plus diversifié sur Ris Orangis. Il y avait eu, certes,
des élèves d'origine étrangère,
puisque Ris Orangis a été une des communes d'accueil,
en 1962, de la population des réfugiés d'Afrique
du Nord, des Pieds-Noirs et Maghrébins, mais aussi des
Portugais. Les Pieds-Noirs étaient bien Français,
mais ce n'était pas si évident que ça par
la façon dont ils ont été accueillis en
France.
Tout d'un coup, arrive cette masse de jeunes d'origine Afrique
noire ; alors, cet établissement devenu multicolore nous
a poussé à nous demander : "Comment allons-nous
faire maintenant ? Tous ces gens-là n'ayant pas forcément
envie de se retrouver ensemble." On a eu la chance de rencontrer
une personne d'origine togolaise, vivant en France depuis très
longtemps, A.A.. Elle a dit : "Moi, j'ai envie de créer
une association de femmes qui prennent en charge la scolarisation
de leurs enfants, en collaboration avec les personnels de l'éducation
qui voudront le faire, toutes origines confondues." De
là est né le mariage entre une association de
femmes, Génération Femmes, toutes origines confondues,
Françaises et étrangères, avec un établissement.
A partir de là, on a commencé à voir comment
on pouvait travailler ensemble, faire en sorte que les élèves
de toutes ces origines arrivent à mieux se comprendre
et que les enseignants surtout, qui eux n'étaient pas
de toutes les origines et qui étaient essentiellement
franco-français, arrivent à mieux les comprendre,
et donc à mieux les faire travailler.
A part ça il s'est passé toute une série
d'épisodes ; j'en cite un avant de parler d'une expérience
actuelle conduite par cette association sur la communication
interculturelle. Une des premiers supports de cette communication
interculturelle a consisté à mettre en place ce
qu'on a appelé, à l'époque, des médiatrices.
C'étaient des personnes qui avaient en gros trois fonctions
: mobiliser les familles sur la scolarisation de leurs enfants,
les accompagner pour aller jusqu'au collège, et traduire,
sur le plan linguistique mais surtout sur le plan théorique,
ce qu'elles avaient à comprendre de notre langage obscur
et codé ; et encore aussi, traduire, auprès du
personnel du système éducatif ce que ces familles-là
avaient à demander ou à dire sur la scolarisation
de leurs enfants. L'association, avec d'autres, ont formé
ces personnes pour en faire des intermédiaires entre
les familles et l'Ecole. Cela ne s'est pas développé
autant que ça l'aurait pu mais on espère que ça
va se développer ; cela marche très bien quand
ça existe. Puis, l'association a diversifié ses
activités sur le principe de base suivant : si nous voulons
qu'un dialogue s'instaure, qu'un travail commun s'instaure entre
des femmes et des familles d'origines différentes, il
faut qu'elles puissent se parler, sur le plan de l'élocution,
bien entendu, se comprendre sur le plan de la langue, mais aussi
sur le plan culturel, qu'il y ait là des traductions
de nos codes respectifs et de nos manières de vivre,
pour que les échanges naissent et que les femmes en particulier
sortent de l'enfermement dans lequel nous voyons qu'elles sont
confinées.
Il s'est créé, dans le cadre de l'association
Génération Femmes, en parallèle avec l'action
de médiation, à travers les contacts avec les
écoles sous toutes leurs formes, des lieux de parole.
Il s'agissait d'utiliser un temps où des femmes, mères
de famille, n'avaient pas les enfants avec elles, ou seulement
les tout petits qu'elles avaient rechigné à mettre
à la garderie ; ce temps, c'est toujours entre 14 et
16 heures- temps au cours duquel on va trouver des thèmes,
des sujets d'échanges et de dialogue. J'insiste sur le
fait qu'elles sont toutes– je parle au présent-
d'une extrême diversité ; ce sont des Sri-Lankaises,
des Marocaines, des Algériennes, des Maliennes, des Sénégalaises,
des Turques, des Chinoises ; la diversité est majeure.
Le problème est d'arriver à leur trouver des thèmes
communs ; elles les ont d'ailleurs proposés elles-mêmes.
J'en cite quelques uns : comment faire pour l'entrée
à l'école maternelle, qu'est-ce qui se passe ?
quel accompagnement ? Ou : le corps de la femme, comment on
le voit, qu'est-ce qu'on peut en penser ? Ou encore : l'éducation
et la délinquance. Ou des questions encore plus inattendues,
du genre : « Comment prendre soin de ses pieds ? »
Il ne faut pas oublier que ces femmes-là marchent énormément,
et elles portent des charges lourdes ; on peut comprendre que
ce soit une question pour elles. Et encore : le juge pour enfant,
qui c'est ? qu'est-ce qu'il fait ? Qu'est-ce qu'on doit craindre
ou attendre de lui ? L'orientation scolaire, la contraception,
les mariages forcés (question très importante),
les accidents domestiques, ou bien l'utilisation des médicaments…
Voilà quelques thèmes qu'elles ont acceptés
ou proposés. Il s'agissait donc de permettre que ces
femmes puissent se parler dans de bonnes conditions ; vous imaginez
un environnement familial, tout ce qu'il faut pour que tout
le monde se sente à l'aise, pour qu'elles se sentent
bien physiquement. Heureusement -depuis très peu mais
tout de même c'est important- les locaux sont agréables
; on leur offre à boire, les enfants ont des jeux, il
y a moyen de les prendre en charge pour qu'ils n'interfèrent
pas trop dans les discussions. La manière de faire est
classique : on trouve des intervenants, qui sur chacun des thèmes,
apportent un peu d'éléments de réflexion
et des exemples d'activités. On entend ça puis
après on discute, on échange. Et ça marche
fort ; elles viennent régulièrement ; il faut
dépasser le feuilleton du début de l'après-midi,
mais après, elles viennent et elles sont heureuses, elles
parlent… Il y a cependant des obstacles, des obstacles
sévères : les hommes n'aiment pas trop que leur
femmes fassent ça ; il ne faut pas déborder le
cadre horaire de leur liberté en l'absence de tout enfant,
temps assez réduit entre le moment de profiter de la
TV et celui où les enfants vont revenir de l'école
(ce sont souvent de jeunes femmes, qui ont besoin de rêver
et de s'occuper un peu d'elles-mêmes) ; elles ne comprennent
pas forcément : c'est le problème de la langue,
problème de l'entendement, de la compréhension
de ce qui est dit (si on a des intervenants qui sont trop pointus
ou pas assez pédagogues, le message a du mal à
passer) ; il y a de la xénophobie entre elles, entre
communautés (il n'est pas garanti qu'elles se mettent
d'accord sur tout); et l'instabilité des familles (on
est dans des quartiers comme les Pyramides, à Evry, où
la rotation des familles est absolument phénoménale
; on ne s’en rend pas très bien compte mais des
familles circulent d'une banlieue à l'autre, incessamment,
fuyant les loyers impayés, les difficultés matérielles,
les difficultés judiciaires…, ; donc ça
tourne et ce turn over est difficile. Enfin , si on veut consolider
les expériences comme celle-là, cela suppose une
vigilance de tous les instants, cela suppose que toute séance
d'échange et de dialogue soit repensée par les
animateurs et les organisateurs, en se disant : "Voilà
comment ça s'est passé, voilà comment ça
a réagi, là il y aura un suivi à faire,
là à relancer, là il faudrait peut-être
laisser en suspens la question pour laisser les gens penser…
» Si on enchaîne ces séquences sans regard
extérieur, sans un avis extérieur, sans suivi,
la dynamique tombe vite. Et, dernier point, il y a des questions
qui subsistent en permanence : est-ce qu'on a choisi les bons
sujets ? et comment les trouver, les bons ? L'endroit où
ça se passe (le local de l'association) : est-ce le bon
? Ne faudrait-il pas en inventer d'autres ? La question du temps,
je le répète, est fondamentale : à quel
moment est-ce le mieux ? Et puis (c'est l'objet même de
ce séminaire) : ce n'est pas une association toute seule
qui doit faire ça mais il y a à travailler en
collaboration avec d'autres. Cette démarche-là
est peut-être à penser comme une démarche
transversale à plusieurs associations, à plusieurs
forces sociales en présence, pour démultiplier
les lieux, pour diversifier les occasions de rencontres, pour
diversifier les sujets de discussion, créer un maillage
de lieux de paroles pour des femmes et des hommes . Pourquoi
pas des hommes ? La question n'est pas facile à résoudre,
on a essayé mais on n'a pas trouvé beaucoup de
solutions ! On essaie les hommes d'un côté les
femmes de l'autre, les deux ensemble ? On va y arriver de façon
marginale, jamais de façon automatique.
Association
Itinéraires (Prévention spécialisée):
Christophe Louys
La prévention spécialisée est une forme
d'intervention née dans l'immédiate après-guerre,
à l'initiative d'hommes issus des mouvances syndicale
ou chrétienne. L'idée de base part du constat
que des jeunes étaient dans la rue, livrés à
eux-mêmes et dans le danger, et qu'il fallait créer
une forme d'intervention auprès de cette population,
l'enfermement ne répondant pas ou ne pouvant pas répondre
aux besoins de ces jeunes ; l'objectif était de leur
faire réintégrer le groupe social. Donc, c’est
une forme d'intervention originale, existant depuis assez longtemps.
Elle a suivi dans son histoire, comme toute forme d'intervention
innovante au départ, une professionnalisation dans les
années 60-70, puis dans les années 80 elle a subi
la décentralisation, à savoir que ce n'est plus
une responsabilité de l'Etat mais du département
; c'est le département qui met en œuvre et finance
ce mode d'action, en partenariat avec les municipalités.
Bien souvent, les choses nous le prouvent maintenant, plus on
est proche du politique et plus c'est compliqué de travailler,
parfois. En ce moment, on peut constater que c'est un mode d'intervention
qui commence à « prendre un peu de bouteille »
et qui connaît certaines dérives, une perte de
sens notamment. L'idée est toujours la même, que
ce soit pour les "Blousons noirs" dans les années
60, ou les jeunes livrés à eux-mêmes après-guerre,
ou ceux d'aujourd'hui, c'est le groupe social qui demande que
cette population intègre ou réintègre le
groupe. Derrière cela, il y a une visée humaniste,
puisque si l'on ne fait rien vis à vis de ces jeunes,
ils vont continuer à commettre des délits, de
la violence, à paralyser le système d'une certaine
façon, mais au final ce sont eux qui vont payer les pots
cassés.
La prison et l'enfermement ne sont pas les réponse adaptées
à leur problème ; certes, cela protège
le groupe social mais ça ne règle pas les problèmes,
au contraire. L'objectif des éducateurs de rue est d'aller
vers une population qui est dans la rupture, l'exclusion, et,
à travers un travail sur le relationnel, sur le lien,
mettre en œuvre un accompagnement, faire un bout de chemin
avec ces jeunes.
Ce sont des adolescents, de jeunes adultes. J'ai l'habitude
de prendre une image, celle du « quai entre deux rives
» ; entre l'enfance, la vie sociale et l'âge adulte,
il y a l'adolescence, qui est d'une grande fragilité
comme on sait. On intervient à ce moment-là et
avec ces jeunes-là, non pas pour résoudre leurs
problèmes sociaux mais pour les aider à aller
plus loin et à dépasser certaines difficultés
; et puis à s'assumer, à être dans cette
démarche de savoir qui l'on est. Répondons nous
à la question ? Je ne sais pas mais on essaie de poursuivre
sur ce problème-là.
Alors, la dimension culturelle ? Nous sommes assez mal placés
pour parler d'expérience, de prise en compte de cette
dimension-là, parce que, sur les quartiers, il n'y a
pas de diversité, il n'y a pas une approche spécifique
liée à tel ou tel public parce qu'on saurait que
dans telle ou telle culture "on fait ci, on fait ça",
non, nous sommes plus en proximité de personnes ayant
une culture, celle de la rue, et c'est plus dans cette dimension-là
que nous nous trouvons.
Bien sûr, l'éducateur qui va à la rencontre
de gamins, dans un quartier, se trouve -et c'est très
important- dans une situation dynamique. On est effectivment
obligés de prendre en compte, dans l'histoire qu'on construit
avec les gens, des choses dont on n'a pas l'habitude, parce
qu'on vient d'ailleurs, parce qu'on vient d'autres quartiers,
parce qu'on a une autre vie, parce qu'on est porteur d'une autre
culture… Il y a des choses qu'on n'arrive pas à
comprendre, par exemple qu'un jeune adulte, de 23-24 ans, né
en France, soit clandestin, parce que son frère aîné,
sous l'injonction du père, a pris son identité…
Il y a des choses particulières, mais c'est comme ça
; et nous, qu'allons-nous faire là dedans ? On va remuer
tout ça et mettre sans dessus-dessous la famille, ce
qui fait son pôle de construction ? Il y a des choses
comme ça qu'il faut prendre en compte. L'accompagnement,
c'est la tentative d'aller ensemble un peu voir ailleurs ce
qui se passe, c'est ouvrir des portes, en fait. Qu'est-ce que
la vie, vue d'un quartier, que ce soient les Pyramides, les
3000 à Aulnay-sous-Bois, la Prairie de l'Oly ou la Croix
Blanche ? Qu'est-ce qu'un quartier ? Si on voit la vie à
partir de ces expériences-là, ce n'est pas terrible.
Au moins, notre dimension d'accompagnement vise à aller
voir que le monde c'est autre chose que ça, et la vie
autre chose que ça.
Club Unesco
du lycée de Montgeron : Claire Gruson
La FFCU a été créée
en 1957 mais le Club Unesco du lycée de Montgeron l'a été
dès la fin des années 40, il fut peut-être
le premier en France. Nous le pilotons depuis 1991.
Un Club Unesco existe dans un établissement scolaire,
si des animateurs veulent bien le créer. Il est ouvert
à tous ceux qui le souhaitent dans l'établissement.
Nous avons 10-12 élèves qui le fréquentent,
bon an mal an ; des adultes s'y joignent parfois. C'est un lieu
de rencontre et de débats, de connaissance mutuelle et
d'échanges interculturels. Nous avons un bilan assez
riche sur ces dernières années, nous avons fait
des choses très différentes (voir notre contribution
écrite). Un rappel de quelques exemples, dans le cadre
de la communication interculturelle.
Une de nos actions marquantes a été la réalisation,
en 1995, d'un petit film, d'une durée de 50 minutes,
sur la question de l'intégration. Cette année-là,
venaient au club des élèves d'origines très
diverses. (Il faut dire que viennent souvent au club des élèves
d'origines étrangères). Il y avaient des Maghrébins,
des élèves d'origine asiatique, un Portugais,
un Polonais d'origine. Au cours de l'année, nous nous
sommes posés à plusieurs reprises, pour des raisons
un peu conjoncturelles liées à la loi sur la nationalité,
le problème de l'intégration. Ce groupe, aidé
par l'option cinéma du lycée, a réalisé
de manière très active ce film, en concevant des
entretiens mutuels sur la façon dont ils s'intégraient
ou non dans la société française.
Pour certains, ça ne posait aucun problème parce
qu'ils étaient là depuis longtemps avec leur famille,
pour d'autres, c'était moins évident. Ce film
les a menés très loin dans l'exigence d'une discussion
parfois âpre, et très sincère, précise,
sur leurs origines, les rapports avec leurs origines, les rapports
avec la famille, avec la langue, avec la nourriture, la façon
dont ils envisageaient le mariage avec quelqu'un de la même
culture, ou une autre… Cet exemple nous a vraiment menés
tous très loin sur le chemin de la communication interculturelle.
Autre exemple : la confection d'une exposition et d'un recueil
de photos et de textes écrits en commun sur nos photos
de familles. Un jour, une de nos élèves est arrivée
avec des photos de sa famille, de très belles photos
de la vie quotidienne. On s'est dit qu'il fallait en faire quelque
chose et qu'on allait tous essayer d'apporter des photos venant
de nos familles, que nous en parlerions. Cela a été
l'occasion de parler de choses de la vie de tous les jours :
la famille, les repas, les occasions de prendre ces photos…,
et en même temps d'écrire en commun des textes.
C'était une production collective qui a été
en même temps un élément de connaissance.
Cela, c'est le fonctionnnement interne du club. Il arrive
que nous nous ouvrions très largement sur l'extérieur,
que nous essayons de proposer aux élèves du lycée
de grands débats sur des sujets choisis ensemble. Ces
débats ont porté sur des thèmes variés
: « L'aide au développement, pour quoi faire ?
» « Nation et nationalisme »… Dans ce
cadre là, nous avons organisé en 1992, puis en
2002, en collaboration avec Coup de Soleil en Essonne, des séances
sur la commémoration de la fin de la guerre d'Algérie.
Nous avons fait venir, en 2002, Gilles Manceron, co auteur d'un
ouvrage sur l'histoire de l'Algérie avec un historien
algérien, Hassan Remaoun. Cela a été une
séance très riche, avec l'intervention de Manceron,
la nécessité d'une mémoire commune, et
puis les questions des élèves, très précises
et exigeantes, sur la torture, sur différents épisodes
de cette histoire sur laquelle on passe souvent vite dans le
cadre des programmes scolaires, et sur lesquels ils ont bien
des questions à poser. Une des dimensions du club, d'ailleurs,
est cette découverte que les élèves qui
viennent ont souvent des questions précises qui les taraudent
sur l'histoire de leurs origines et de leurs parents ; ils ont
besoin de réponses à ces questions et il faut
savoir assumer.
Quelques autres éléments. Récemment,
une rencontre importante avec 150 à 200 élèves,
sur le thème "Garçons et filles quel regard
portez-vous les uns sur les autres ? », avec Marc Cheb
Sun, rédacteur en chef de Respect Magazine. Puis deux
activités nous polarisent en ce moment : l'une concerne
la lecture de textes, lectures-débats que nous proposons
dans différents lieux, au lycée en direction des
autres élèves, à domicile, chez des particuliers,
mais aussi dans des centres culturels qui nous accueillent,
comme au Café-Culture de Draveil, prochainement, avec
un texte de Maïssa Bey, dans la perspective de contribuer
à l'élaboration d'une bibliothèque à
Sidi-Bel-Abbés, en Algérie ; action solidarité
donc, c'est une autre dimension du club. Et puis, tout récemment,
le lien avec des associations de jeunes de Vigneux et de Draveil.
C'est une évolution intéressante de notre parcours.
Parmi nos anciens élèves, l'un, d'origine marocaine,
actuellement étudiant en droit, a créé
à Vigneux l'Association des Jeunes Vigneusiens. Il y
a un an environ, au moment où les débats sur le
voile étaient très agités dans la société,
il nous a écrit une longue lettre dans laquelle il nous
disait qu'il lui semblait nécessaire que le club Unesco
s'empare de ce débat parce qu'il lui semblait qu'il y
avait énormément de malentendus qui couraient
sur la question. Il nous proposait un débat avec des
intervenants qui viendraient rétablir la vérité
sur cette question du voile. Nous avons réagi en lui
disant qu'il nous paraissait d'abord nécessaire -avant
d'aborder frontalement la question "Dialogue des religions,
dialogue des cultures" (c'est ainsi que nous avons intitulé
ce problème qu'il nous posait, potentiellement polémique)-
de nous connaître mieux dans nos associations respectives.
Par conséquent, nous lui proposions de commencer par
une démarche de rencontre et de connaissance mutuelle.
C'est ainsi qu'il y a quelques jours, nous avons été
invités à un grand repas, dans les locaux de leur
association. Il y a avait une quinzaine de personnes et nous
avons échangé sur ce qu'étaient nos associations
respectives, quels étaient leurs objectifs, que pourrions-nous
faire en commun, et quels thèmes de travail nous pourrions
assumer. Il me semble que cet exemple est intéressant
parce que l'attitude de cet ancien élève, au départ,
presqu'offensive et assez revendicatrice d'une identité
forte, qu'il s'agissait de défendre en faisant éventuellement
intervenir des responsables cultuels, s'est modifiée
parce que nous sommes entrés en dialogue. La démarche
est devenue une démarche de long terme, de réflexion
commune sur des sujets de toutes sortes, dont, éventuellement,
le voile, mais sans se polariser sur cette question qui n'est
peut-être pas si essentielle à aborder en premier
temps.
Ce sont là des exemples de nos actions.
Quelques remarques sur les difficultés et les points
positifs. Les points positifs, d'abord. Ils sont nombreux. Le
passé du Club est riche, tant sur le plan du débat
que des réalisations concrètes. L'expérience
que je viens de relater nous paraît quelque chose de tout
à fait positif. Le club est un lieu où des convictions
peuvent se dire. Il me semble que voir la question de la laïcité
du point de vue du club Unesco, c'est finalement très
intéressant parce que c'est non seulement un lieu où
les convictions peuvent se dire mais où elles peuvent
aussi être mises à l'épreuve, dans un cadre
de sympathie mutuelle : mise à l'épreuve de l'information
et des convitions de l'autre, mais sans qu'on se sente démoli
par le regard et la conviction de l'autre.
L'attachement des élèves au club nous montre
que ce n'est pas éphémère. J'ajouterai
que, pour nous, adultes et enseignants du lycée, c'est
un lieu où on peut se ressourcer quand on est en situation
de pessimisme absolu par rapport au système éducatif.
On se dit là que tout n'est pas perdu et qu'on peut continuer.
J'ajoute que la possibilité de travailler en réseau
avec d'autres associations nous donne le sentiment qu'on peut
travailler avec d'autres beaucoup plus efficacement ; c'est
un fait que Coup de Soleil en Essonne nous a donné un
punch formidable. Il en va de même avec l'Association
des Jeunes Vigneusiens.
Les difficultés et les obstacles, maintenant. Un des
problèmes constants est la nécessité de
faire venir du monde, ce n'est pas toujours facile. Pour quelles
raisons ? Il y a des questions matérielles, bien sûr,
mais aussi la difficulté pour des adolescents à
franchir cette frontière du monde purement scolaire,
à ce lieu bien souvent non identifié qu'est le
club Unesco. L'autre jour, le débat "Garçons
et filles…" n'a pas été simple, parce
que c'est une question qui porte sur son intimité, que
parler de cela devant 200 personnes, ça ne va pas de
soi. Les élèves du club, qui avaient cheminé
sur cette question pendant plusieurs séances et avaient
été assez loin dans la réflexion ensemble,
se sont exprimés avec une très grande aisance,
une facilité réjouissante, prenant en compte les
différentes dimensions de la question ; par exemple une
fille a pris le micro pour dire : "On dit toujours que
les filles sont les plus opprimées, mais les garçons
aussi souffrent."
Cette intervention montre que le débat est allé
assez loin dans la réflexion sur le regard mutuel. Donc,
une frontière à franchir. A cette séance-là,
quelqu'un a dit, à la fin : "Si j'avais su qu'il
y avait au lycée des endroits où on pouvait parler
de ça ! Je n'en reviens pas." Grand plaisir pour
nous, mais force est de constater que l'idée qu'il puisse
exister dans le système scolaire un lieu où on
peut échanger sur ses convictions, sur sa culture, sur
ses origines, librement et à égalité avec
tous les partenaires qui sont là, qu'ils soient adultes
ou élèves, est quelque chose qui sort complètment
du cadre de pensée de la majeure partie des élèves,
et qui fait que franchir notre porte c'est compliqué.
Et c'est dommage que ça le soit, parce qu'on se dit,
chaque semaine, que si on était un peu plus nombreux,
que s'il y avait un brassage un peu plus vivant, ce serait très
positif. Pour cela, il faut un temps assez long de mise en confiance,
cela ne va pas de soi de parler de ses origines, de sa culture,
ça ne va pas de soi non plus de penser que ça
a un intérêt. Au début, on passait par la
cuisine -ça arrive souvent- on faisait des repas polyculturels,
puis des carnets de recettes, et on demandait aux élèves
de raconter à quelles occasions se mangeait tel et tel
plat… Quand on a demandé à David, Portugais,
de nous parler du riz au lait, il nous a regardé avec
des yeux absolument ronds en se demandant bien ce qu'il pouvait
y avoir à dire sur cette question…
Je dirai encore que le système scolaire ne nous aide
pas. Bien sûr, nous sommes très bien vus de l'administration,
parce que nous sommes associés à toutes ces questions
de la citoyenneté qui sont très en vogue à
l'heure actuelle. Il n'empêche que le système ne
nous aide pas parce qu'il a un côté terriblement
rouleau compresseur. On entend un des chefs d'établissement
dire que les élèves ne travaillent que sous la
pression -ce qui d'ailleurs occasionne un bachotage permanent-
et dans ce même lycée se trouve un lieu "gratuit",
où il n'y a ni notation, ni enjeu, ni quoi que ce soit
qui est le quotidien des élèves ; il est évident
que c'est tellement différent que ça paraît
bizarre. D'où les difficultés. Je terminerai en
disant que le club est aussi un lieu où les élèves
nous posent énormément de questions. L'autre jour,
j'entendais quelqu'un intervenir à la radio sur les manifs
de lycéens de la semaine dernière, les échauffourrées
qui s'en sont suivies, l'hostilité existant dans les
milieux lycéens entre les "Blaks" et les "Blancs",
cette espèce de malaise qu'on a ressenti.. Cet intervenant,
à juste titre, parlait de Dieudonné, de la façon
dont il mettait en concurrence des mémoires blessées,
et il disait que cette mise en concurrence était quelque
chose de désastreux, qu'au contraire, il fallait mutualiser
ces mémoires, les mettre en commun. Il a dit que finalement
les travaux universitaires sur l'esclavage, sur la colonisation,
et sur la décolonisation, étaient très
nombreux, que ce savoir existait mais que le faire passer dans
le savoir commun, ça c'était difficile, et pourtant
indispensable. Nous le vérifions, c'est vrai. Il faut
assumer un savoir-faire, des connaissances, on n'est pas toujours
formé à l'interculturel pour répondre à
toutes les questions qui nous sont posées par les élèves,
quand on veut bien les entendre.
CASNAV de L’Essonne
: Marie Jo Blot
Le Casnav est un service de l’Education
Nationale ; je suis donc en plein dans l’institution mais
en lien constant avec des associations ou des organismes qui sont
liés à l’accueil d’immigrants, ce qui
fait qu’il y a des choses qui ont été dites
qui correspondent tout à fait à ce que je vis. Je
vais essayer de vous dire un peu comment se passe cette question
de l’interculturel au sein de l’école, quand
les jeunes arrivent de l’étranger.
Je suis chargée de la scolarisation des jeunes d’origine
étrangère, nouveaux arrivants dans les collèges
et les lycées de L’Essonne, et j’ai une collègue
qui a la même tâche par rapport aux enfants de l’école
élémentaire.
Nos missions vont à la fois en direction des jeunes,
en direction des familles, et en direction des enseignants.
Nous sommes un peu des interfaces, nous aussi, et nous sommes
amenés, à ce titre, à avoir des relations
avec un certain nombre d’entre vous.
On a mis en particulier en place, depuis un certain nombre d’années,
des cellules d’accueil pour les jeunes et à l’occasion
de ce premier accueil des jeunes qui arrivent, il y a déjà
des tas de choses qui se jouent au niveau de la formation, au
niveau de la prise de connaissance : des jeunes qui arrivent
n’ont jamais été scolarisés, donc
ils ont de l’école une image complètement
mythique ; d’autres, qui ont été scolarisés
dans des systèmes complètement différents
du nôtre, arrivent avec leur culture de l’école
et ils ont une douche écossaise quand ils voient comment
ça se passe dans un collège en France ; des parents
qui ont été plus ou moins scolarisés eux-mêmes,
qui savent plus ou moins lire et à qui on met un carnet
de correspondance dans les mains en leur disant : «Avec
ça, on va communiquer et on va s’entendre et on
va se comprendre »… Tout cela demande des moyens
pour essayer de pallier bien des difficultés.
Difficultés linguistiques évidemment, mais ce
ne sont pas les plus aigües, encore que, dans l’apprentissage
d’une langue il y a bien des aspects culturels aussi qui
entrent en jeu ; il y a des façons de prononcer, des
mouvements des lèvres qui, pour une jeune fille d’une
certaine culture sont tout à fait indécents ;
par exemple : faire prononcer certains sons à des jeunes
filles, je pense à faire prononcer un U à des
jeunes filles d’origine asiatique, c’est une invitation
sexuelle. Il faut le savoir au moment où on l’enseigne,
on peut espérer que les enseignants le savent, mais …
Je dirais que ce n’est pas là que la difficulté
est la plus grande.
Les difficultés se présentent à mon avis
surtout dans deux domaines :
- le rapport que l’on a à l’Ecole,
- le rapport que l’on a au Savoir
Si on est allé à l’école dans son
pays d’origine, dans un pays où le système
scolaire, où l’autorité s’imposaient
par la force : par les punitions corporelles, par les châtiments,
évidemment, quand on arrive dans un collège de
banlieue on est complètement déstabilisé
et on s’imagine, aussi bien les élèves que
les parents, que nous, les enseignants, nous sommes des faibles,
que nous n’avons aucune autorité… Je pense
que là j’enfonce des portes ouvertes : tous les
enseignants ont eu un jour un père ou une mère
qui leur disait : « Mais enfin, Monsieur (ou Madame) battez
le, comme ça il travaillera ! » et quand on dit
que nous, nous ne pouvons pas battre et que nous essayons d’expliquer
pourquoi, nous sommes souvent perçus comme des personnes
faibles. Evidemment les enfants sont des enfants tout à
fait ordinaires et donc ils savent très bien se faufiler
au milieu de toutes ces failles, et cela fait des enfants qui
sont vraiment en difficulté.
Rapport à l’Ecole aussi, qui peut être
différent quand on vient d’un pays où on
est dans un rapport de confiance complètement déférente
: « J’amène mon enfant à l’école,
je le confie à une équipe enseignante, à
un professeur et je ne viens surtout pas lui demander le moindre
compte… » Alors que moi, professeur de français,
quand un parent ne prend pas rendez vous avec moi, immédiatement
je me dis : « Celui là, il ne s’intéresse
pas à ses enfants. »
Comment faire passer cette idée que, en France, il y
a une éducation partagée, que l’enseignant
souhaite rencontrer les parents, que les parents sont les bienvenus
–du moins en théorie- à l’école,
que des rencontres sont utiles ?
Tout cela, ce sont des choses qu’il faut faire passer,
que nous nous essayons de faire passer au niveau de la cellule
d’accueil. Je participe aux réunions de pré-accueil,
je participe à des petits groupes qu’on a mis en
place avec le Service Social d’aide aux immigrants.
A mon avis, la difficulté c’est de passer de
l’explication à la prise en compte réelle,
parce que quand je dis aux parents : « Il faut aller voir
les enseignants, il faut les rencontrer », je crois qu’ils
m’entendent, mais de là à ce qu’ils
puissent faire le pas, ce n’est pas évident. D’où
l’intérêt de travailler avec Génération
Femme, par exemple avec les médiatrices qui vont accompagner
les familles vers l’école.
Je prendrai un autre exemple aussi, par rapport justement
à la réussite scolaire. J’ai constaté
-je suis professeur de français- des difficultés
avec des élèves extrêmement sérieux
qui, en 6éme-5éme, réussissent très
bien quand il s’agit d’apprendre des conjugaisons
; les imparfaits du subjonctif les plus compliqués, les
petits Sri Lankais les maîtrisent parfaitement. Puis,
quand on arrive en 4éme- 3éme, qu’on leur
demande d’argumenter, ce n’est déjà
pas évident pour les jeunes d’origine française,
mais pour certains c’est là qu’on voit arriver
les véritables barrières culturelles : le livre,
le texte c’est sacré, dans bien des cultures, on
ne le critique pas. On ne va pas s’opposer à l’opinion
de l’auteur, on ne va pas dire que soi même, en
plus avec son statut d’enfant on peut avoir une opinion
différente de l’auteur adulte qui a mis sur le
papier ses opinions. Donc, une difficulté, un blocage
constant. J’ai vu des jeunes filles devenir vraiment «
mauvaises »- ce n’est pas le mot qui convient- mais
avoir de très mauvais résultats en français
à partir de la 4éme et de la 3éme, alors
que c’étaient des filles parfaitement sérieuses
qui apprenaient parfaitement mais qui apprenaient par cœur.
Quelque chose d’autre : une autre conception de l’école,
ça se voit beaucoup en cours d’Histoire-Géographie
aussi ; les jeunes arrivent, ils connaissent parfaitement leurs
leçons mais ils se retrouvent avec des notes qui ne sont
pas brillantes, en tout cas, qui ne sont pas à la hauteur
de l’effort fourni. Donc là encore, que faire ?
Comment faire passer cette idée d’un autre rapport
au savoir ?
Ce que nous avons mis en place est modeste parce que c’est
dans les limites des contraintes de l’Education Nationale
; ce sont des actions en direction des parents en s’appuyant
beaucoup sur les médiateurs et médiatrices. Les
médiateurs et les médiatrices sont très
demandés dans les établissements scolaires. Il
y a encore quelques jours on travaillait sur la naissance de
ghettos dans une école primaire : comment travailler
sur les communautarismes au sein d’une classe de CM ?
Là, ce sont les enseignants qui font appel à
Génération Femme pour ce genre de travail. Donc,
travailler en direction des parents au niveau de l’information.
Je passe beaucoup de temps avec certains collègues à
expliquer le maniement du carnet de correspondance- ce à
quoi je faisais allusion tout à l’heure- pour des
gens qui ne sont pas du tout dans l’écrit, ce sont-là
des choses particulièrement difficiles. Je passe pas
mal de temps avec les conseillers et conseillères parce
que cette orientation apparaît comme quelque chose d’extrêmement
menaçant pour les familles. Et puis aussi, tout un travail
en direction des enseignants. On ne peut pas tomber dans des
idées toutes faites sur certaines communautés.
Ce qui me semble important, c’est de faire découvrir
aux enseignants que l’autre est peut être radicalement
autre, que, avant de tout de suite foncer pour condamner, pour
rejeter une réaction, il faudra toujours un temps de
réaction, un temps d’information.
Comment faire aussi –ça, c’est ce qui me
semble être une grosse difficulté – la part
de ce qui est négociable et de ce qui ne l’est
pas ? Il y a des choses qui sont négociables. Un exemple.
A la cellule d’accueil, on a des petits tests de mathématiques
et l’un d’entre eux demande de mettre en œuvre
le théorème de Pythagore ; de nombreux gamins
se contentent de mettre le résultat et chaque fois les
enseignants disent : « Bien sûr c’est exact,
mais ce n’est pas démontré. » Jusqu’à
ce qu’il n’y a pas très longtemps, je parle
avec un professeur de mathématiques d’origine étrangère
qui me dit : « Mais chez nous, on ne démontre pas.
On connaît le théorème de Pythagore, on
dit « Pythagore », mais on ne va pas redire «
le carré de l’hypoténuse, etc. »,
ce n’est pas la peine ; pour nous c’est une évidence.
» Voilà peut être, à mon sens, quelque
chose qui peut être négociable. Quand on corrige,
on voit à la cellule d’accueil des tests où
on peut se dire qu’en effet, on peut ne pas démontrer,
mais il faudrait quand même savoir amener le jeune à
démontrer pour pouvoir réussir son épreuve
de bac. Le jour du bac, ce ne sera peut être pas vu de
la même façon. Et puis il y a aussi, à côté
de cela, des choses qui ne sont pas négociables ; par
exemple, je faisais tout à l’heure allusion à
la critique du texte : la liberté d’un être
face à un texte, c’est tout le pouvoir de critiquer,
mais, là encore, comment amener l’autre, tout en
le respectant, à s’ouvrir à autre chose
?
Ce sont-là des choses que je jette un peu en vrac.
Ce que j’en retire moi, ce sont des difficultés
de passer de la simple information à la prise en compte
réelle, en profondeur, de la différence.
Ce que je retire aussi, c’est la nécessité
absolue de travailler en réseau. On ne peut pas tout
seul, dans le cadre d’une journée pédagogique,
aider une équipe d’enseignants à s’ouvrir
à d’autres cultures, en tout cas même à
se convertir à l’ouverture vers les autres, là
c’est tout un travail de réseau. Et puis soi même,
on n’a pas les compétences pour parler d’un
certain nombre de choses, mais en s’appuyant sur les orchestrations,
sur les réseaux, on arrive à voir progresser un
petit peu.
Délégation
Diocésaine aux relations avec l’Islam d’Evry
:
Michel Séonnet
Je représente le Délégué
Diocésain des relations avec l’Islam qui est en mission
en Israël. Je voulais d’abord vous remercier de nous
avoir invités parce que le fait que je sois là relève
aussi de la communication interculturelle ; en faisant partie
aujourd’hui des cultures minoritaires en France, on prend
conscience de ce que ce dialogue est possible, à égalité
avec d’autres partenaires. Je dis ça d’autant
plus qu’il semblerait qu’aujourd’hui il faille
couper le monde entre ceux qui ont une culture religieuse et les
autres, et qu’on en arriverait à une sorte de front
uni de chaque côté, c'est-à-dire : les religions
s’alliant pour une sorte de suprématie du fait religieux
et les anti-religieux s’alliant pour une sorte de suprématie
du non religieux. Or, ce que je cherche, ce que nous cherchons,
nous, dans notre travail, c’est que ces barrières
là qui n’ont aucune raison d’être n’existent
pas, qu’on puisse effectivement être invités
parce qu’on a un certain type de principe, dans des rencontres
de ce type là, où il ne s’agit pas de parler
de religion mais d’une question commune aux gens qui sont
là, et où nous sommes un groupe particulier intervenant
dans la société au même titre que telle ou
telle autre association. Il y a du chemin à faire pour
y arriver mais, en tout cas, c’est ici un tel espace et
j’en suis ravi.
Tout ça pour dire que le service diocésain des
relations avec l’Islam est quelque chose de très
officiel. L’Eglise Catholique Romaine est très
hiérarchisée, il y a un évêque, il
y a des délégations parmi lesquelles il y a une
délégation aux relations avec l’Islam, comme
il y en a une aux relations avec le Judaïsme. Ce service
a une mission interne : informer et permettre aux Catholiques
qui sont en Essonne de réfléchir et de connaître
l’Islam, et une mission externe qui est le lien avec l’autre,
donc avec les musulmans.
Moi, je suis dans ce service depuis le mois
de septembre seulement, et le Délégué Diocésain
aussi, donc c’est quelque chose qui reprend un peu forme
pour ce qui est de l’Essonne. Nous avons une histoire
relativement courte, comparée aux décennies des
Clubs Unesco... Il faut dire, cependant, qu’il y a une
vingtaine d’années, les personnes dans l’Eglise
Catholique qui s’occupaient des relations avec l’Islam
s’en occupaient au nom de la solidarité avec l’étranger
; donc, on a vu très souvent des églises accueillir
volontairement des grèves de la faim de travailleurs
immigrés, offrir des salles comme salles de prières…
C’était en quelque sorte une relation de celui
qui a à celui qui n’a pas, qui était pour
les militants porteuse de solidarité, et qui sans doute
n’était pas exempte de quelque paternalisme néo-
colonial ;en tout cas c’est passé. Aujourd’hui,
on n’est plus du tout dans ce cas de figure. L’Islam
est une religion installée ou qui s’installe. Il
n’est plus question de prêter une salle parce que
les Imams ne veulent pas de cela, ils veulent un lieu de culte
comme les chrétiens de toutes confessions, les juifs
; ils veulent une mosquée. La situation aujourd’hui
est plutôt une situation d’égal à
égal, dirai-je. Ce qui ne va sans difficultés.
Pour schématiser, les problèmes qui se posent
lorsqu’il s’agit de parler de l’Islam à
l’intérieur de la communauté catholique
sont d’un autre type que ceux à l’extérieur.
Il est vrai qu’à l’intérieur notre
travail est d’abord d’aller contre une peur ; c’est
presqu’un travail d’éducation. Nous avons
organisé, par exemple, la semaine dernière, des
rencontres avec des spécialistes musulmans pour essayer
de parler d’un certain nombre de points ; il est frappant
de voir comment finalement, avec les questions ouvertes, beaucoup
de gens qu’on avait invités, ont été
la cible d’attaques assez virulentes de nos coreligionnaires
; ceux-ci reprenant cette idée qui devient aujourd’hui
une sorte de doxa que tout le monde répète, que
l’Islam en soi est insoluble dans la démocratie
et dans la République… Bref tellement d’attaques
qui font que pour nous le travail est au point de départ,elle
est de faire passer l’idée qu’il n’y
a pas de supériorité de l’un par rapport
à l’autre, et que la seule issue est dans l’échange.
Mais cette idée est très compliquée à
faire entendre dans la population catholique qui traditionnellement
a une attitude de suprématie par rapport aux autres religions,
certains admettant très mal l’idée que cette
« suprématie » soit une idée de l’ancien
temps et qu’il faut essayer de passer tout à fait
à autre chose.
Du côté extérieur, la difficulté
est de devoir être en dialogue pour deux, sans pour autant
faire les questions et les réponses. C'est-à-dire
qu’il y a effectivement une très forte volonté
de dialogue, une conscience et un esprit de dialogue de la part
de certains responsables musulmans, mais de même que nous
parlions d’une doxa du côté des catholiques
par rapport à l’Islam, il en existe une aussi du
côté des musulmans par rapport au christianisme
. Elle consiste à dire : « Vous avez fait votre
temps, passez la main, maintenant, c’est à nous.
» En gros, la perspective qui est la pensée finale
de nombre de personnes qui parlent en France, dont Tariq Ramadan,
c’est qu’on a beau dire, on a beau faire, la France
un jour ou l’autre sera un pays musulman. Une sorte de
mécanisme historique qui a remplacé la lutte des
classes. Donc, il s’agit à la fois de maintenir
le dialogue sans pour autant être naïf sur ces questions.
Tout à l’heure, je parlais de la possibilité
qu’on a eue, à certains moments, de prêter
des salles, il y a même eu à quelques endroits
des églises qui, ne servant plus, pouvaient être
données : « C’est la maison de Dieu, tenez,
voilà, on vous la donne. » Je pense que c’est
aujourd’hui quelque chose d’impensable parce que
cela ne pourrait être vécu dans ce contexte nouveau
: " Vous n’y êtes plus, on occupe le terrain",
ça montre bien que les choses avancent.
Je dirais que c’est un inter culturalisme sur plusieurs
fronts parce qu’il s’agit à la fois d’un
rapport de culture à culture, entre catholiques et musulmans,
mais aussi de culture à culture entre un certain catholicisme,
replié sur lui-même, et la République. Je
dirais finalement que, peut-être, un des intérêts
paradoxaux de ce type de service (les Relations avec l’islam),
c’est d’arriver à faire accepter aux musulmans
que la République est finalement le lieu dans lequel
ils auront le plus de confort à vivre. C'est-à-dire
qu’on va finalement, refaire, d’une certaine manière,
pédagogique, le long, lent et douloureux travail qui
a été fait par les Catholiques Français,
depuis un siècle. De manière extrêmement
concrète - j’en parle un peu dans le texte - discuter
d’une chose, discuter ensemble, c’est bien, manger
ensemble, c’est une chose qui arrive, mais nous nous sommes
aussi posés la question de faire des choses ensemble.
« Qu’est ce qu’on pourrait essayer de faire
avancer ensemble ? » D’où cette association
qui est en train de se créer, qui va s’appeler
: Œuvrer en Essonne pour une Europe fraternelle. L’idée
de cette association est née d’une visite d’un
pasteur anglican qui a créé une association européenne
dont le but est la réconciliation entre les communautés
religieuses prises dans les conflits interethniques, en particulier
en Bosnie Herzégovine, et qui dans ce cadre là,
a entrepris de participer à la reconstruction d’une
mosquée dans la partie serbe de la Bosnie. Vous vous
souvenez peut être qu’il y a une double Bosnie,
avec une République Serbe extrêmement dure, dans
laquelle tous les lieux de culte musulman ont été
détruits, entre autres une petite mosquée historique
inscrite au Patrimoine de l’Unesco. L’idée
est de voir, comment, ensemble, là bas, Orthodoxes, Catholiques,
Musulmans et quelques Juifs restants qui n’ont pas été
exterminés, comment ces gens là, ensemble, vont
pouvoir essayer de de se retrouver autour de ce projet de reconstruction
de la petite mosquée ? De manière un peu anecdotique,
il se trouve que lorsque le pasteur anglican est venu, nous
avions invité à cette rencontre les personnes
de la mosquée d’Evry, du Conseil National du Culte
Musulman, et à partir de là le projet de création
de l’association essonnienne s’est enclenché.
Pour conclure, j’ai le sentiment que ce qu’on
fait est extrêmement balbutiant. Il y a un passé
de dispute au niveau Chrétiens - Musulmans, mais aussi
un passé d’échanges d’une grande richesse...
Aujourd’hui, il s’agit de refonder un nouveau dialogue
avec cette grande difficulté, semble-t-il, que l’on
est dans une situation où l’on trouve finalement,
plus de spécialistes de l’islam en milieu catholique
qu’en milieu musulman, en France. Mais il me semble aussi
que tous ces petits efforts que nous faisons sont au moins une
manière de mettre le pied dans la porte pour empêcher
qu’elle ne se ferme. Se dire que la situation mondiale
est telle qu’il est extrêmement à craindre
que la porte ne commence à claquer et que si nous arrivons
à maintenir un lieu, un espace à l’intérieur
duquel le dialogue soit possible, qui soit un espace recours
en cas de troubles ou de difficultés des uns ou des autres,
nous
n’aurons pas perdu notre temps.
|